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Dernière mise à jour : 04.09.2020
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La norme graphique du béarnais

Publié le 31/05/2011 à 22:21 par diaperdia Tags : france création cadre rose livre pensée éléments texte internet signature chiens


Un argumentari contra las mensonjas bearnistas


LA NORME GRAPHIQUE DU BÉARNAIS

Introduction :

Les règles d’écriture du béarnais - ce que nous appelons ici la norme graphique du béarnais - ont fortement varié au cours des siècles et même pour une époque donnée.

Au Moyen Âge, ceux des Béarnais qui écrivent leur langue maternelle n’ont, au mieux, qu’une faible connaissance du français.

La connaissance du français se répand en Béarn au XVIème siècle du fait de l’introduction de la Réforme protestante et du développement de l’imprimerie. Au XVIIème siècle, elle atteint toutes les couches lettrées de la population béarnaise. Dès lors, les Béarnais tendent de plus en plus à écrire leur langue régionale selon les règles de l’orthographe française, ce qui entraîne une rupture dans la tradition de l’écrit béarnais.

Cette rupture a fini par doter l’écrit béarnais, notamment littéraire, d’une norme graphique pensée en fonction de la langue nationale, qui ne convient pas à notre langue régionale. Au milieu du XIXème siècle, un grammairien, Jean-Vastin Lespy, essaie de mettre fin à cette situation en proposant une norme qui concilie les anciens textes et la pratique des auteurs de son temps. Ces travaux sont repris, non sans quelques modifications, par les félibres de l’Escole Gastoû Febus.

En 1952, Louis Alibert, qui a fixé la graphie classique de l’occitan pour le languedocien, l’adapte au gascon, et par voie de conséquence au béarnais, avec l’aide de Pierre Bec et de Jean Bouzet (celui-ci membre de l’Escole Gastoû Febus). Elle se répand rapidement dans les années 1970, et est dès les années 1980 largement majoritaire, voire quasi exclusive, dans l’écrit béarnais.

Nous suivrons l’évolution de la norme graphique du béarnais à partir de quelques cas spécifiques :

- le a en fin de mot[1]

- le o pour écrire le son « ou »[2]

- le n non prononcé en fin de mot[3]

- le r non prononcé en fin de mot[4]

- le v prononcé b[5]

- le nh pour écrire le son « gn »[6].

1 : Au Moyen Âge et au XVIème siècle.

Les premiers documents écrits béarnais révèlent un système cohérent, qui est cependant loin d’être entièrement unifié.

1.1. Le a en fin de mot s’écrit tantôt a, tantôt e, y compris à l’intérieur du même texte.

Ce e correspond à la prononciation de la région d’Orthez : on suppose donc que cette manière d’écrire a été inspirée par des copistes de cette région. Ailleurs en Béarn, on prononce a, puis, aux XIVème et XVème siècles, cette prononciation va évoluer, mais on va souvent continuer d’écrire a.

On trouve par exemple Conoguda causa sia (« que la chose soit connue de tous ») dans un texte de 1270 et Conegude cause sie dans un texte de 1373. En 1551, l’édition des Fors et Coutumes du Béarn donne la préférence au a.

1.2. Là où nous prononçons aujourd’hui ou, on écrit toujours o. Au Moyen Âge, ce o se prononçait comme un « o » ; il s’est ensuite prononcé comme un « ou » au plus tard au XVIème siècle, mais dans les textes de cette époque on trouve presque toujours écrit o. Une exception, on l’écrit u devant n ou m : cum, « comme » ; voluntat, « volonté ».

1.3. Le n non prononcé à la fin des mots : au Moyen Âge, on trouve écrit Gaston (Gaston VII Moncade), castellan (« châtelain »), mais aussi une double voyelle qui remplace ce n : crestoo (« chaperon de mur »), crestiaa (« cagot »). Cette hésitation peut se trouver dans le même texte : maas (« mains ») et donations.

1.4. Le r à la fin des mots est toujours écrit au Moyen Âge, époque à laquelle il se prononçait. Au XVIème siècle, que ce soit dans les Fors et Coutumes du Béarn(1551) ou le Stil de la Justicy deu Pais de Bearn, le code de procédure édité par Jeanne d’Albret en 1564, ce r n’est plus prononcé1, mais la norme graphique l’a conservé : estar (« être »), audir (« entendre »), examinar, dictar.

1.5. L’écriture du v prononcé « b » n’est pas constante.

Ce v (norme actuelle) n’avait pas la même prononciation dans tous les mots : jusqu’au XIVème siècle il se prononçait comme un « w », entre deux voyelles.

Ainsi, si l’on trouve dans le For d’Oloron de 1080 une forme comme devers (« devoirs »), il y a ensuite une certaine fluctuation dans l’usage entre les lettres b, v et u. « Bon vouloir » est écrit dans le même texte (1525) bon voler, puis bon boler.

1.6. Nh est employé pour écrire le son « gn » : senhor, notamment, est une forme que l’on retrouve constamment dans les documents officiels béarnais, du XIème au XVIème siècle.

1.7. Citons dès à présent quelques mots trouvés dans ces documents médiévaux, dont nous allons suivre les vicissitudes graphiques jusqu’à nos jours :

- causa (« chose », Charte des boucheries d’Orthez, 1270) / cause (id., Charte de Madame Jeanne d’Artois, 1319)

- deute (« dette », cité par Lespy, qui ne donne pas de date. Ce mot est masculin en béarnais)

- tostemps (« toujours », 1319)

- maison (« maison », 1270)

- successor (« successeur », For d’Oloron, 1080)

- anar (« aller », affranchissement de serfs à Charre, 1373)

- judyar (« juger », For de Morlaàs, 1220)

- patz (« paix », 1319)

- eg (« lui », 1080)

- dever (« devoir », 1080)

senhor (dès 1080 et par la suite)

- hostau (« maison », affranchissement de serfs à Castétarbe, 1374)

2 : Du XVIIème siècle au XIXème siècle.

À partir de l’accession d’Henri IV au trône de France, la manière d’écrire le béarnais est de plus en plus influencée par le français.

2.1. Cela se reflète bien dans les différents points particuliers définis dans notre Introduction :

2.1.1. Le a en fin de mot disparaît presque complètement au profit du e.

2.1.2. Le o transcrivant le son ou recule rapidement. Dans un document de 1617, son usage est encore solide, presque identique à ce qui avait lieu dans les décennies antérieures, mais ou a ensuite tendance à se généraliser, sauf, curieusement, devant m et n, dans des mots comme oncle (ce mot se prononce indubitablement « ouncle »), compousat, longeires (« longues pièces de tissu »), son... Cet usage va se maintenir jusqu’à la Révolution dans les documents officiels, les textes littéraires, eux, généralisant ou dans tous les cas.

2.1.3. Le n non prononcé en fin de mot est souvent conservé, lorsqu’il était écrit auparavant, comme dans les mots en –tion du type informations. On continue aussi à écrire avec une double voyelle les noms de personnes et de lieux (dans un document de 1659 : Laa (commune de Laa-Mondrans), Pierre de Patraa). Parfois, il n’est plus noté du tout (mas, « mains », dans un document de 1664), alors que ces mots ont une nasalisation qui est nettement prononcée dans certaines parties du Béarn.

2.1.4. Les Béarnais continuent à écrire le r non prononcé en fin de mot : embiar (« envoyer »), estar (« être »), aber (« avoir »), pouder (« pouvoir »), darrer (« dernier »)…

2.1.5. Le v continue à être employé, mais notre langue régionale n’ayant pas encore trouvé ses grammairiens, son usage reste fluctuant : on le trouve  employé conformément à l’étymologie (viven, « vivant », en 1685), parfois remplacé par b (nabere, « nouvelle ») ou employé, sous l’influence du français, là où il faudrait un b : trouvar (« trouver »).

2.1.6. En ce qui concerne nh, nous avons cité plus haut le mot senhor : on le trouve encore écrit ainsi en 1617. Nh est par la suite remplacé par son équivalent français gn : Espagne, seignour

2.2. Les mots cités en 1.7. s’écrivent alors : cause, deute, toustemps, mayson, successour, anar, judyar, pats / patz, ed, deber, seignour, oustau.

2.3. À la Révolution, le béarnais a cessé d’être employé comme langue officielle. Par contre, son emploi comme langue de création littéraire progresse dès les premières décennies du XIXème siècle, mais à l’instar de ce qui se passait déjà depuis le XVIIème siècle, la langue régionale est de plus en plus écrite selon les règles de l’orthographe française, qui ne lui conviennent pas.

2.4. Les mots cités en 1.7. s’écrivent alors (vers 1850) : caüse; deüte, voiredeüté; toustem, maïsou, successou, ana, yudya (ou judja), pats, et, debé, segnou, oustaü.

3. : Lespy et l’Escole Gastoû Febus.

3.1. La démarche de Lespy.

C’est sur la base d’une connaissance approfondie des textes béarnais anciens et modernes que Lespy publie, en 1858, la première Grammaire béarnaise. Il considère que le béarnais, langue distincte du français, doit s’écrire selon ses règles propres, de même qu’on n’écrit pas l’espagnol selon les règles de l’orthographe française : il se plaint de ce qu’« en écrivant comme on le fait aujourd’hui… l’on suit les règles de l’orthographe française, qui ne sont point, faut-il le dire, celles de l’écriture béarnaise ».

3.2. La norme graphique proposée par Lespy.

Il dote ainsi le béarnais d’une norme graphique relativement cohérente, mais toutefois, par peur de dérouter sans doute, il n’ose pas revenir à la graphie des anciens textes.

3.2.1. Ainsi, il écrit à propos du o et du r final : « Si dans les vieux substantifs terminés en or, tels que amor, calor, dolor, flor, pastor, etc., etc., on ne fait pas résonner l'r, et que l'on donne à la voyelle o, ainsi que cela se faisait, le son de ou, on arrivera aux substantifs employés de nos jours: - Amou, calou, doulou, flou, pastou, etc., etc., qui dérivent du latin: amor ; calor ; dolor ; flos, floris ; pastor ; etc., etc. Voilà comment la prononciation finit par enlever aux mots le cachet de leur origine. S’il ne dépendait que de nous, ce cachet précieux serait remis sur tous nos vocables » (p. 54).

3.2.2. Il ne rétablit pas le n non prononcé en fin de mot, mais, à sa place, les doubles voyelles aa et ii. Il semble ne pas avoir perçu que cette graphie correspond à une nasalisation nettement prononcée dans une partie du Béarn, même si elle s’est effacée dans d’autres endroits (man ou maa (« main ») transcrit [mã], souvent simplifié en [ma]).

3.2.3. Entre le a et le e finaux, tous deux employés concurremment en ancien béarnais, Lespy choisit e, qui est conforme à l’usage des littérateurs de son temps, mais note en réalité (sauf dans la région d’Orthez) deux voyelles distinctes, qu’il décrit comme un « e doucement fermé » et un « o doux ». Les limites de ce choix apparaissent au sein même de l’ouvrage, lorsque Lespy, notamment en présentant les tableaux des conjugaisons, est sans cesse obligé de préciser comment il faut prononcer le e des terminaisons.

3.2.4. Par ailleurs, il ne restitue pas le v prononcé « b », mais choisit par contre de retenir la notation du nh (« gn »).

3.2.5. Les mots retenus en 1.7. à titre d’illustration s’écrivent alors : cause, deute, toustemps, maysou, successou, ana, yudya, patz, eth, debe, senhou, houstau.

3.3. Au début du XXème siècle, la norme graphique de l’Escole Gastoû Febus.

Les règles édictées par Lespy sont reprises par l’Escole Gastoû Febus à sa naissance en 1897, et modifiées plusieurs fois, dès 1900 et 1906.

Notre liste de mots devient alors : cause, deute, toustem, maysoû, successou, ana; yudya, yutya ou judja; pats; et ou eth ; debé; segnou; oustau.

3.4. Les limites de cette norme graphique.

La norme de cette association affiliée au Félibrige ne sera jamais fixée dans ses moindres détails.

Elle péchait sur plusieurs points : trop de variantes différentes (pour le gascon de l’Armagnac, par exemple, il y a des règles distinctes, officiellement entérinées en 1905 ; il y a des variantes à l’intérieur du Béarn même), trop de flou sur certains points en apparence mineurs, mais concernant des mots courants (faut-il écrire lou pount (« le pont ») ou lou poun ?)…

Mais c’est dans leurs ouvrages à portée scientifique que Simin Palay et Jean Bouzet, tous deux membres de l’Escole Gastoû Febus, se heurtent à ce qui est la principale faiblesse de la norme de leur association : il s’agit du e final, dont Lespy disait qu’il transcrivait tantôt un e doucement fermé et tantôt un o doux.

3.5. Le problème du e en fin de mot.

Dans l’écriture, cette lettre correspondait effectivement à deux voyelles bien distinctes :

- le o doux (c’est le e à la fin de cause, « chose ») correspond à une voyelle qui vient d’un a du latin, et se prononçait souvent encore a au Moyen Âge. Aujourd’hui, cette voyelle a encore diverses prononciations dans les différentes parties du Béarn : elle se prononce comme un o ou un e faiblement marqués dans la plus grande partie de notre région, comme un o bien marqué dans les vallées pyrénéennes, ou comme un e bien marqué dans la région d’Orthez. Dans la région de Pontacq, cette voyelle est encore prononcée comme un a.

- le e doucement fermé correspond à un é en fin de mot (un e dans la région d’Orthez), il ne porte pas l’accent tonique. Il est souvent la marque du masculin. C’est le e à la fin de deute.

- comme on le voit, il n’y a que dans la région d’Orthez que ces deux voyelles ont abouti à la même prononciation e. C’est pourquoi, noter de la même façon les deux voyelles n’est pas une solution convenable pour l’ensemble du Béarn.

Il y aura au moins trois tentatives, au sein de l’Escole Gastoû Febus, d’apporter une solution à ce problème.

4 : Au XXème siècle : tâtonnements et constitution de la norme actuelle.

4.1. Trois tentatives pour résoudre le problème du e :

4.1.1. La tentative de Simin Palay : au cours de l’élaboration de son Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes(paru en 1934), Simin Palay est soucieux d’employer un système graphique qui rende convenablement la prononciation. Il résout le problème de cet een fin de mot en décidant d’ajouter un point au-dessous du e « doucement fermé » (e?). On a ainsi cause face à deute?.

Mais ce signe typographique e? n’est pas généralisable à tous les ouvrages en béarnais : les claviers des machines à écrire françaises ne l’ont pas, il n’existe pas davantage dans les autres langues européennes. Simin Palay n’a d’ailleurs pas cherché à généraliser cette solution.

4.1.2. La première tentative de Jean Bouzet : Jean Bouzet, originaire de Pontacq, Agrégé d’espagnol et auteur d’une Grammaire espagnole qui fait encore référence dans nos Universités, offrit au béarnais deux ouvrages de grammaire ainsi qu’une étude étymologique intitulée Du gascon au latin.

Il propose une solution plus pratique que celle de Palay, qui consiste à réserver le e à la transcription du « é doucement fermé » et à revenir à la lettre a pour transcrire le « o doux » : c’est causa face à deute.

4.1.3. La réforme de Joseph Courriades : Joseph Courriades expose une autre solution dans ses Éléments de grammaire béarnaise publiés en 1951.

Cette solution consiste à garder la graphie e pour les deux voyelles, en plaçant un accent sur l’avant-dernière syllabe lorsque le mot se termine par un « e doucement fermé » : on a alors cause et déute.

Cette solution est ingénieuse, mais comporte de nombreuses exceptions. En outre, elle laisse de côté la question de la norme particulière aux Gascons de l’Armagnac, dans le cadre de l’Escole Gastoû Febus. C’est là un écueil majeur dans la perspective de l’enseignement de notre langue régionale, qui est rendu possible la même année par la loi Deixonne.

De surcroît, si elle est bien appliquée dans la revue de l’Escole au cours des années 1960 et 1970, ce n’est malheureusement pas toujours le cas dans les ouvrages publiés par l’association pendant cette période.

4.2. La graphie classique de Louis Alibert, Pierre Bec et Jean Bouzet.

4.2.1. Ses origines : en Limousin et en Languedoc, dans les premières décennies du XXème siècle, des littérateurs et des linguistes cherchent à rompre la dépendance de la norme graphique de l’occitan à l’égard des règles d’écriture du français.

En effet, cette dépendance a trois inconvénients majeurs :

- elle est en inadéquation avec le caractère propre de l’occitan ;

- elle est en rupture avec les principes graphiques authentiquement autochtones, ceux du Moyen Âge ;

- elle accentue les différences de prononciation d’une région à l’autre, voire d’un canton à l’autre, en notant les moindres particularités de prononciation.

Ces recherches sont codifiées par le linguiste Louis Alibert dans une importante grammaire du languedocien publiée en 1935.

4.2.2. Son application au gascon : cette nouvelle norme graphique, dite graphie classique parce qu’elle s’inspire des usages graphiques de la langue ancienne, est initialement promue par une association créée en 1945, l’Institut d’Études occitanes.

Dans les années qui suivent, cette graphie classique est adaptée au gascon, le dialecte occitan auquel appartient notre parler béarnais.

La théorie est d’abord fixée dans un opuscule publié en 1952 par Jean Bouzet, qui a donc poussé plus avant les réflexions qu’il avait entamées dès l’entre-deux-guerres, Louis Alibert lui-même et un jeune linguiste qui travaillera beaucoup sur le gascon, Pierre Bec.

4.2.3. Quelques points particuliers : dans la norme proposée par Louis Alibert, Pierre Bec et Jean Bouzet, les points que nous avons considérés jusqu’ici sont traités comme suit :

- le aen fin de mot proposé précédemment par Bouzet est conservé,

- le o de l’ancienne langue, aujourd’hui prononcé ou, est rétabli ; ò (avec accent grave) note un o qui se prononce comme celui du français rose ;

- le rqui ne se prononce pas en fin de mot est rétabli partout, pour les infinitifs mais aussi pour les autres mots. Cela permet de former le féminin de ces mots : matièr (prononcé matiè), « matinal » ; matièra, « matinale ».

- le n qui ne se prononce pas en fin de mot est rétabli, de préférence à la double voyelle : on écrit pan (« pain »), vin (« vin »), et non *paa, *vii. En effet, ce n se prononce dans les départements voisins (Landes, Gers).

- le nh est rétabli. Lorsque il ne faut pas prononcer gn, mais un n suivi d’un h aspiré, on écrira n•h (avec un « point intérieur » emprunté au catalan) : en•hornar, « enfourner ».

- le v est réintroduit dans la norme graphique du béarnais, en fonction de l’étymologie et de la prononciation des mots comportant un v dans d’autres dialectes occitans : on écrit, par exemple, aver(« avoir ») parce que le v est prononcé « v » en limousin ou en provençal. Toutefois, ce choix est judicieux pour les Béarnais eux-mêmes puisque dans le canton de Montaner, on prononce ce v comme un « w » (la norme du Moyen Âge hésitait entre aber, aver et auer).

Ainsi, créée pour recouvrir les grandes différences de prononciation entre dialectes occitans, la graphie classique permet aussi, dans le cas du a en fin de mot et du v, de chapeauter des différences de prononciation existant à l’intérieur même du Béarn.

La lettre ò et le « point intérieur » (•) sont présents sur tous les claviers d’ordinateurs MacIntosh et PC, au moyen d’une combinaison de touches, sans quitter la configuration utilisée pour écrire le français.

4.3. Les mots donnés en liste en 1.7. s’écrit alors : causa, deute, tostemps, maison, successor, anar, jutjar, patz, eth, dever, senhor, ostau.

4.4. La généralisation de la graphie classique dans l’écrit béarnais : il faudra attendre dix ans pour qu’une première application concrète en soit effectuée par Pierre Bec, qui édite dans la nouvelle graphie un chef-d’œuvre de la littérature gasconne, Belina de Miquèu de Camelat (anciennement Beline). L’essai est concluant : cette norme est parfaitement adaptée à la transcription du gascon et notamment du béarnais.

Dans les années 1970, à la faveur du développement de l’enseignement de l’occitan, la graphie classique commence à être enseignée dans les lycées.

Dès les années 1980, l’emploi de cette graphie, aux dépens de celle de l’Escole Gastoû Febus ou d’autres systèmes, est largement majoritaire. C’est désormais dans cette graphie que sont publiés, par exemple, les ouvrages importants que sont la Grammaire béarnaise d’André Hourcade (1986) ou le Dictionnaire français-occitan (gascon) de Per Noste (2003-2005). L’Escole Gastoû Febus elle-même a d’ailleurs adopté cette graphie dès le début des années 80.

Conclusion :

La graphie classique est implantée en Béarn depuis maintenant quarante ans.

Beaucoup mieux fixée que les graphies précédentes, elle n’a connu pendant ces quatre décennies que des modifications mineures.

Elle permet d’écrire notre langue régionale de manière identique d’un bout à l’autre du Béarn. Ses principes s’appliquent à l’ensemble du gascon, et insèrent celui-ci dans l’espace linguistique occitan. Au-delà, cette graphie nous rapproche des autres langues issues du latin, notamment l’espagnol et le catalan qui sont pour nous de proches voisins, mais aussi le portugais (qui nous a emprunté le nhet l’a transmis au vietnamien) et l’italien, et en dernier ressort du latin lui-même.

Grâce à cette graphie, nous pouvons donc replacer notre langue régionale dans son cadre historique  et géographique.

C’est pour cette raison que cette graphie est la seule enseignée dans les calandretas et les classes bilingues de l’Éducation nationale.

Elle est également utilisée dans la presse (revues littéraires, presse d’information, presse enfantine), dans l’édition, dans le monde du spectacle (Nadau, Joan Francés Tisnèr…) et dans l’information destinée au grand public (France 3 Bordeaux, mais aussi, dans un autre registre, les plaquettes bilingues du Carnaval biarnés ou de Hestiv’Òc).

Elle est pratiquement la seule utilisée sur Internet, dans les nombreux sites, forums et blogs qui contribuent à faire vivre le béarnais ou d’autres formes du gascon.

Elle a également été utilisée pour les réalisations en matière de signalisation bilingue qui ont vu le jour au cours de ces quinze dernières années, à l’initiative de certaines communes ou du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques.


Annexe :

Nous présentons ici un texte béarnais, le sonnet de Jacob de Gassion (début du XVIIème siècle), dans les différentes graphies qui se sont succédé depuis le XVIème siècle :

1) tel qu’aurait pu l’écrire un Béarnais du XVIème siècle (tentative de reconstitution) :

Quand lo primtemps, en rauba pingorlada,

A heyt passar l’escosor deus grans redz,

Lo cabirou, per bondz et garimbetz,

Sauteriqueya au mieytan de la prada.

Au bèt esguit de l’auba ensafranada,

Prenent la fresca, au long deus arribetz,

Miralhas va en l’ayga aryentada,

Pux seu tucou hè cent arricoquetz.

Deus caas correntz cranh chic la clapiteya ;

Ed se tien saub... mes, entant qui holeya,

L’arcabuser lo da lo cop mortau !

Atau vivi sens tristessa ni mieya,

Quand un bèt oelh mana har, per embeya,

Au miey deu coo, bèra plaga leyau !

2) selon la norme exposée dans la Grammaire de Lespy, au milieu du XIXème siècle :

Quoand lou printemps, en raube pingourlade,

Ha hèyt passa l’escousou deus grans reds,

Lou cabiroü, per boundz et garimbetz,

Sauteriqueye au mieytan de la prade.

Au bèt esguit de l’aube ensafranade,

Prenent la fresque, au loung deus arribetz,

Miralha-s ba dehens l’aygue aryentade,

Puixs seu tucoü hè cent arricouquetz…

Deus caas courrentz cranh chic la clapiteye ;

Eth se tien saub… mes, entant qui houleye,

L’arquebusè lou da lou cop mourtau !

Atau bibi sens tristesse ni mieye,

Quoand un bèt oelh m’ana ha, per embeye,

Au miey deu coo, bère plague leyau !


3) Selon la norme de l’Escole Gastoû Febus (début du XXème siècle), avec, en note, les variantes locales admises à l’écrit :

Quoan[i] lou printems, en raube pingourlade,

A hèyt passa l’escousou dous[ii] grans rets,

Lou cabiròu, per bounds e garimbets,

Sauteriqueye[iii] au mieytan de la prade.

Au bèt[iv] esguit de l’aube ensafranade,

Prenent la fresque, au loung dous arribets,

Miralha-s ba dehens l’aygue aryentade3,

Puch sou tucòu hè cent arricouquets.

Dous2 câs courrents cragn chic la clapiteye3 ;

Et4 se tien saub… mes, entant qui houleye3,

L’arquebusè lou da lou cop mourtau !

Atau bibi sens tristesse ni mieye3,

Quoan un bèt oelh m’ana ha, per embeye3,

Au miey dou2 co, bère plague leyau3 !


4) Selon la norme adoptée par Simin Palay dans son Dictionnaire (1934) :

Quoan lou primtéms, en raube pingourlade,

A hèyt passa l’escousoù dous grans rets,

Lou cabiròu, per bouns e garimbéts,

Sauteriqueje au mieytàn de la prade.

Au bèt esguìt de l’aube ensafranade,

Prenén la fresque, au loung dous arribéts,

Miralhà-s ba dehéns l’aygue arjentade,

Puch sou tucòu hè cén arricouquéts.

Dous câs courréns cragn chic la clapitéje ;

Et se tién saub… més, entàn qui houleje,

L’arquebusè lou da lou cop mourtàu !

Atàu bibì sens tristésse ni miéye,

Quoan un bèt oélh m’ana ha, per embéje,

Au miéy dou co, bère plague leyàu !<


Commentaires (3)

febus@biarn.net le 10/02/2012
Soyons très indulgents avec les occitanistes. Ils se font virer de Montpellier,de Toulouse, de Tarbes, du Limousin, de Provence, etc. et viennent se réfugier dans notre belle terre de Béarn, qui a su les accueillir, les choyer et s'en amuser.
Leur problème restera l'absence de maîtrise du béarnais que connaissent encore les partisans de la graphie fébusienne, dite "moderne". Cette querelle des classiques et des modernes cache une réalité bien plus triste: à force de faire la guerre aux "béarnais", les occitanistes se font leur propre fossoyeurs...
on ne les regrettera pas. Sans eux la langue béarnaise perdurera, comme perdurera le Béarn. Polémiques inutiles, combats stériles. Rien que le mot "Béarn" leur donne des boutons: ils appellent ce pays la "gascogne du sud" c'est dire la volonté d'erradiquer la culture béarnaise: on bannit le drapeau, on multiplie la désinformation, on ridiculise, on stigmatise, bref on fait table rase du présent. Messieurs les occitans, rentrez chez vous et par pitié arrêtez de nous imposer votre patois francisé à 90 % faute de vocabulaire. Tout cela reste pathétique et, quand vous aurez l'âge de raison, vous oublierez votre stupide combat comme on oublie qu'on a été maoïste ou stalinien,etc.


Administrator le 11/02/2012
Responsa:

Qu'èi trobat lo vòste comentari pro gaihasent entà'u deishar passar suu blòg, e aquò per tres rasons.
En prumèras, per'mor que s'escrivetz un comentari en francés sus un blòg escriut tot en lenga d'Òc, que cau que ne sapiatz pas escríver auta causa que lo francés; que parlatz deu "patoès francizat" deus occitanistas, d'ua "manca de vocabulari", e que refusatz de dar ua mustra deu saber vòste, perqué ? E seré que lo vòste hèish de saber n'ei pas guaire mei gran que lo deu monde qui criticatz dab tant de veeméncia ?
En segondas, per'mor que vienetz t'ací polemicar e en medish temps qu'acusatz los occitanistas de "har la guèrra aus bearnés" (?) e d'"estigmatizar". Los qui ac lejan que poderàn jutjar.
En tresaus, per'mor que meilèu que de v'adreçar au vòste servidor, sol autor deus tèxtes d'aqueste blòg, que v'estimatz mei -non pas de v'adreçar tanpòc aus occitanistas- mes de parlar d'eths a la tresau persona. Aquò qu'ei ua faiçon estranha d'encetar lo dialògue; mes de tan plan qui amuisha l'obsession de la vòsta hadèrna (los occitanistas, los meishants occitanistas, los occitanistas "enemics deu bearnés", los occitanistas intolerants quan vos e datz un tan bèth exemple de tolerància), que seré estat de dòu har de non pas ac deishar passar ací.
Per contra, quan demandatz aus occitanistas de "se'n tornar tà casa", non sèi briga de qué parlatz ni a qui parlatz: per jo, que soi vadut a Pau e non sèi briga on me poderí sentir a casa aulhors, mes que m'ac poderatz bessè esclarir dens un aute comentari vòste.
http://diaperdia.centerblog.net


febus@biarn.net le 28/03/2012
Je reviens vers vous, cher Monsieur, pour vous indiquer deux choses: la première est que votre article est en français, la seconde pour vous faire simplement remarquer que, dès le prologue, votre approche manque singulièrement de bases historiques. Par exemple, lorsque vous dites, je cite : "Au Moyen Âge, ceux des Béarnais qui écrivent leur langue maternelle n’ont, au mieux, qu’une faible connaissance du français", cette affirmation ne repose sur aucune base. Il s'agit d'un postulat, d'ailleurs faux, pour la simple raison qu'au moyen-âge, les seuls à écrire en béarn sont les notaires et les seigneurs, comme Gaston Febus. Ces "écrivains" ont rédigé dans une langue qu'il serait hasardeux de qualifier de "béarnais parlé". Il s'agissait d'une langue savante, faite par et pour des lettrés qui parlent mieux le français que le béarnais. Il suffit de lire un texte béarnais des XIV° ou XV° siècles pour se rendre immédiatement compte que la graphie n'est pas encore fixée... comme le languedocien, qui n'a d'ailleurs jamais eu de graphie fixe. Notamment, la terminaison des mots en "o" oscille, pour un même mot, en "a" ou "e" avec toutefois une prédominance du "e", telle qu'elle sera reprise par, notamment, les félibres béarnais à la suite de Lespy.
Le peuple béarnais n'a jamis écrit en béarnais avant le XVII ° siècle. Il ne l'a jamais fait, pour la simple raison qu'il s'agit d'une langue parlée. Continuant sur votre faux postulat, vous poursuivez : "ce qui entraîne une rupture dans la tradition de l’écrit béarnais". Il n'y a jamais eu rupture. Ce n'est que récemment, avec l'alphabétisation des classes populaires, que le français "entre" en Béarn. Les tentatives de Jeanne d'Albret n'ont eu aucune incidence sur l'évolution de la langue.
Poursuivant votre catéchisme occitaniste appris par coeur, vous poursuivez dans l'erreur : "Cette rupture a fini par doter l’écrit béarnais, notamment littéraire, d’une norme graphique pensée en fonction de la langue nationale, qui ne convient pas à notre langue régionale"
Et c'est là que votre idéologie s'installe insidieusement. Pensez-vous sérieusement que les élèves des "calendretas", dont la langue maternelle est le français, tout comme vous, qui pensez et rêvez en français, peuvent naturellement appliquer la graphie d'Alibert en fonction d'une phonologie qui vous paraît "évidente", car "historique" ? Soyons sérieux, aucun linguiste ne vous suivra dans ce sens, sauf... les occitanistes, c'est à dire ceux qui vous ont inculqué ce catéchisme que vous ressassez par coeur et hélàs sans réfléchir.
Le plus affligeant dans votre démonstration est la traduction en pataquès occitan du merveilleux sonnet de Gassion, que vous tronquez allègrement en supposant "tel qu'aurait pu l'écrire un béarnais du XVI° siècle", ce qui prête à rire...ce serait supposer qu'il existe un manuscrit, ce qui n'est pas le cas. Il faut se contenter de la transcription telle qu'elle nous a été transmise . Je vous indique que je suis moi-même palois, que je parle béarnais aussi bien que vous sans doute, et que votre tentative d'imposer la graphie alibertine s'avère être un échec, pour la simple raison que le béarnais a évolué naturellement vers le français, et que les phonèmes du français sont admis de tous. La langue que vous voulez imposer est une langue élitiste, propre à quelques experts, mais qui n'aura aucune prise en béarn. Les occitanistes attentent une chose: la disparition des derniers locuteurs, pour pouvoir imposer leurs système. Vois ce qui se passe chez Wikipedia, votre espace préféré dans la désinformation. Heureusement, il y a des bibliothèques, avec de vrais livres, faits par de vrais historiens, linguistes, philologues, pour apprendre et ne pas mourir idiot. Parlons le béarlais, c'est le principal. L'écrire, cela ne sert à rien...


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